Territoires de l'exil juif - Crimée, Birobidjan, Argentine by David Muhlmann

Territoires de l'exil juif - Crimée, Birobidjan, Argentine by David Muhlmann

Auteur:David Muhlmann [Muhlmann, David]
La langue: fra
Format: epub
Tags: det_, Histoire, Sionisme, Politique
ISBN: 9782220081120
Éditeur: Desclée De Brouwer
Publié: 2012-11-15T23:00:00+00:00


Deuxième Partie

Du territorialisme au sionisme politique

Au tournant du XIXe et du XXe siècle en Europe, la condition des Juifs semblait dans l’impasse. À l’Ouest, l’affaire Dreyfus qui commençait en 1895 (et qui allait diviser profondément et durablement la France en deux camps opposés), était comme le symbole de l’échec de la voie d’assimilation des Juifs : l’accusation de trahison faite à Alfred Dreyfus et la vague d’antisémitisme qui l’accompagnait démontraient que malgré l’intégration républicaine et toute la « bonne volonté » du capitaine Dreyfus, un officier de confession juive restait essentiellement un Juif, même dans cette France des Droits de l’Homme qui fut le premier pays d’Europe à émanciper les Juifs, en 1791. Quant aux Juifs à l’Est, la persécution et les massacres antisémites se multipliaient, à l’instar du terrible pogrom de 1903 à Kichinev, en Bessarabie, qui ébranla l’opinion et les élites internationales, bien au-delà des communautés juives.

La tentation fut celle de l’émigration : libérer les Juifs par l’acquisition et la conquête d’un territoire à l’étranger, pour y installer ceux qui étaient en proie à l’oppression ; exporter les Juifs sur un autre continent, pour en finir avec le problème juif en Europe. Deux projets parallèles (puis concurrents) virent le jour, et se développèrent avec cette perspective de colonisation de territoires à l’étranger ; ils prirent rapidement une dimension internationale et l’allure d’entreprises planifiées, organisées et institutionnalisées, loin des petites expéditions des débuts.

Le premier fut mené par un philanthrope d’origine allemande, le baron Maurice de Hirsch, qui décida d’investir sa fortune au service de l’installation des Juifs en Argentine; l’enjeu était de répondre au besoin du gouvernement argentin de peupler et de développer l’Argentine (pays alors en plein essor), en échange de colonies agricoles pour les Juifs, massivement regroupées dans les provinces de Buenos Aires, La Pampa et Entre Ríos. L’objectif était de sédentariser des fermiers juifs (sur l’exemple des gauchos, les fermiers traditionnels argentins)1 ; il fallait ordonner toute l’immigration juive en ce sens, quitte à abandonner à leur sort les immigrés juifs qui venaient en Argentine par leurs propres moyens (c’est-à-dire en dehors des canaux officiels de la Jewish Colonization Association, créée par Maurice de Hirsch), et qui se regroupaient dans les centres urbains.

L’expérience de la colonisation juive en Argentine se pour-suivit au début du XXe siècle avant de disparaître, supplantée par le projet sioniste rival, initié par Theodor Herzl. Les deux hommes se connaissaient, et Herzl reprochait au philantropisme du baron de ne pas défendre le principe de l’autonomie politique juive, ni de vouloir constituer un État pour les Juifs. Mais l’essentiel est que tous deux défendaient une même conception « fermée » de la condition juive, celle d’un entre-soi territorialisé et sédentarisé des Juifs, une même volonté d’en finir avec la condition d’exil, la coexistence et le mélange avec les autres. À l’intérieur du mouvement sioniste, Herzl proposa une vision pragmatique et « territorialiste » de l’émigration juive – si la Palestine est le but, tout autre territoire était acceptable pour servir de refuge aux



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